Conclusion - Revient-il à l'État de faire régner la justice ? 1/4

Revient-il à L'État de faire régner la justice ? Des figures de justice concurrentes au règne de l'État

La question peut apparaître en un sens peu à l'avantage de l'État : la figure individuelle de justice, celle du héros, du justicier ou du saint, ne représente-t-elle pas plus aisément à notre imagination ce règne victorieux de la justice, de la vertu morale, qui fait plier l'injustice, et qui amène le bonheur, la paix et la liberté ? Quand ce n'est pas un individu qui ourdit, moins glorieusement, des sentiments de vengeance...

Si l'on cherche un ordre de justice qui règne avec majesté et perfection, n'est-on pas tenté de le chercher dans la contemplation ou la pensée d'entités supérieures, qui ignorent la violence et la misère des affaires humaines, comme la sublimité de la figure transcendante de justice, celle de la nature, ou de Dieu, ou dans un ordre de valeurs morales supérieures qui sont précisément ceux des individus et des communautés justes ?

À côté de ces figures de perfection de la justice, soit comme vertu morale individuelle, soit comme idéal total et transcendant, l'État, figure de la justice institutionnelle ne paraît-il pas faire piètre figure : tant du côté de la conflictualité et des déceptions liées au politique, à la tête de l'Etat, que de celui de la chicane des tribunaux qui rendent la justice, ou celui de l'usage de la force par le bras armé de l'État ?

Surtout, le soupçon attaché à l'État est de ne pouvoir faire régner la justice, dans la double dimension de cette prétention : comment concilier sans impureté, et avec efficacité, tout à la fois le règne de la puissance, et celui de la justice ? La force et le droit ? La souveraineté et le respect de la liberté ? Une telle capacité est-elle à la mesure de l'humanité, qui en exprime pourtant le besoin ? Comment l'action et la pensée peuvent-elles répondre à un tel défi ?

Du côté de la pensée, nous avons étudié dans notre parcours par quelles médiations, toujours problématiques, la philosophie pouvait tenter d'établir une conciliation, possible logiquement, mais aussi bien réelle dans l'histoire humaine, et si possible nécessaire du point de vue de la raison, de l'État et du règne de la justice.